Avanti Superino !

Comment as-tu découvert ce personnage de Superino ?

Avec Keramidas on se croise souvent dans les festivals. Nicolas adore faire les puces, car il chine les robots vintage, les livres dont vous êtes le héros, les petits soldats en plastique des années 1960-1970... Il a une quinzaine de collections en cours, c'est le bazar chez lui ! Même si je trouve ça un peu zinzin, je l'accompagne volontiers dans les brocantes et les vide-greniers les matins de festival. Un jour qu'on traînait ensemble à Charleville-Mézières, on est tombé sur une caisse de vieux magazines italiens défraîchis. Les journaux étaient en mauvais état, mais le dessin était très séduisant.

Vous êtes tous les deux amateurs de fumetti ?

Oui. Keramidas a travaillé pour Disney, il adore la BD italienne, ses auteurs préférés du genre ne sont pas Carl Barks, ni Don Rosa, mais plutôt ceux de l'école Cavazzano. C'était le dessinateur de référence des années 1970 dans Topolino, une grande époque pour la BD italienne. En découvrant ce fumetto qui nous était totalement inconnu, nous étions excités ! On voulait en savoir plus, mains on ne trouvait rien de très précis sur Superino. Quelques jours après, je me rends au festival de Lucca, en Italie. Je parle de Superino à des amis auteurs italiens, qui me conseillent de contacter le professeur Alfredo Paperone, le grand historien transalpin.

Que t'a-t-il appris sur Superino ?

Le professeur était incroyablement enthousiaste qu'on s'intéresse à Superino, parce que c'était une madeleine de Proust pour lui. Il m'a d'ailleurs avoué que c'est par intérêt pour ce personnage qu'il a voulu devenir spécialiste de la bande dessinée de son pays. Paperone m'a envoyé copie de sa documentation, des articles, des images, quelques fascicules...

Tout ça t'était inconnu ?

Oui ! C'est comme si j'étais dans la jungle et que je découvrais une civilisation inconnue, avec une cité antique avec des bas-reliefs et des statuaires. Ça a été inspirant ! Keramidas et moi avions fini nos albums de Mickey et Donald, et on voulait continuer dans ce registre disneyen. On s'est lancé donc dans un hommage à Superino, en espérant le publier aussi en Italie, mais les éditeurs italiens étaient frileux, sans doute parce que la série avait été bloquée par la mafia napolitaine il y a 50 ans. Comme Superino était né dans la presse, on s'est naturellement tourné vers Spirou. J'ai donné un coup de fil à Morgan Di Salvia, le rédacteur en chef, pour lui demander s'il connaissait le projet. Heureux hasard, il venait justement d'en retrouver une trace en travaillant sur la grande exposition des 100 ans de Dupuis à Charleroi, qui est en préparation.

Cela signifie que Superino avait intéressé Spirou à l'époque ?

En tout cas, Morgan a retrouvé dans les archives des courriers entre Charles Dupuis et Yvan Delporte et l'éditeur italien Superino SRL. L'éditeur italien a coupé court suite aux pressions de la mafia, et Dupuis n'a pas eu les droits de publications de la série. Ensuite Delporte est parti, et son successeur n'a pas eu envie de relancer les négociations. Superino est tombé dans l'oubli...

Jusqu'à votre redécouverte...

Il avait un lien historique caché avec le journal Spirou, et les festivités du centenaire de Dupuis nous ont permis de retrouver ce lien dans les archives. C'était le bon moment pour exhumer cette pépite méconnue. Cet univers était riche et on a voulu le traiter d'une manière originale. À l'origine c'était très naïf, on a voulu ajouter des éléments de scénario sous-jacents, des choses lues plus adultes, ce qui était impossible à l'époque. Il y deux niveaux de lecture dans notre version.

Comment avez-vous conçu votre hommage ?

Ce qui génial dans Superino, c'est le côté à la fois Batman, avec le manoir, et à la fois Soda avec cette ambiance de ville sous la coupe de la pègre, où une maman ignore tout de l'activité de son fils. Et puis il y a le folklore des super héros. On a fait qu'une seule histoire, mais il reste d'autres pistes encore inexploitées. Moi, je suis un fan de bande dessinée, et Superino condense plein d'éléments de choses que j'aime dans la BD franco-belge, italienne ou américaine. Mon premier souvenir de super héros, c'est quand je regardais Zorro à la télévision quand j'étais gamin. C'est le premier super héros masqué, avec une identité secrète. Et c'est la grande influence de Batman. Il y a de ça dans notre hommage...

Rendez-vous sur Radio Fantasio pour découvrir un épisode spécial du podcast avec le professeur Alfredo Paperone

Découvrir

« Superino à la rescousse ! » sera disponible en librairie le 16 septembre.

Ci-dessous, Superino dessiné dans les années 60 par l'artiste italien Daniele Bianco