L'arrière-boutique : Cyrille Pomès

Carine et moi ne mentionnons jamais les lieux et époques précis de Bertillon. L'aéroport de cette séquence est donc un assemblage de plusieurs sites. Pour les coulisses de l'aéroport, j'ai trouvé une vidéo avec une caméra embarquée sur une valise, allant du tapis roulant jusqu'à la soute de l'appareil !

Je pense peu en couleurs, puisque c'est Pascal Drac qui réalise celles de Lieutenant Bertillon. Je raisonne plutôt mon dessin en superposition de plans. Mais afin de vérifier que tout fonctionne, j'ai parfois recours à des "valeurs", comme ici, où le gris me sert à isoler les valises, afin de voir si elles sont bien mises en valeur dans ma narration. Dans la version finale de cette planche, cette case est en une seule couleur, orange, afin de bien interpeller les lecteurs.

Carine Barth et moi réalisons ensemble le scénario et le découpage de Lieutenant Bertillon. Puis je me lance en solo sur le storyboard, que je lui montre ensuite pour validation. Généralement, nous sommes assez raccord, et mis à part quelques problèmes mineurs de lisibilité, Carine me propose peu de changements. Elle sait que j'ai l'expérience du storyboard et que c'est mon moment à moi, ce qu'elle respecte !

Le storyboard, c'est mon étape de dessin préférée ! C'est là que se crée la mise en scène et que se révèlent les problématiques de lisibilité. Je fais des storyboards très poussés, en numérique, afin de pouvoir les dézoomer ensuite. Quand je storyboardais sur papier, j'avais tendance à cadrer mes personnages de près, ce qui réduisait la place disponible pour le décor. Avec le numérique, je peux les réduire et ainsi gagner du champ. C'est pour ça que certains de mes personnages peuvent être trop détaillés au stade du storyboard. À l'encrage, j'égalise donc l'ensemble pour une meilleure lisibilité !

Articuler les cases 2 et 3 était un challenge, car il fallait traduire en images fixes un classique de la narration filmique : l'échange de valises. J'ai réfléchi à la position de "l'espion à moustache" en case 2, qui se trouverait forcément en haut à gauche, de face et dans le dos de Bertillon. En case 3, inutile donc de remontrer son visage, je pouvais tout centrer sur l'échange en lui-même.

Afin de renforcer le mouvement, j'ai tenté un pari graphique : installer les corps dans un même prolongement, malgré la différence d'échelle entre les deux cases.

Ma co-scénariste Carine Barth, dans le premier Lieutenant Bertillon, avait décerné à un figurant particulièrement ridicule la "Palme du meilleur second rôle". Depuis, sans la prévenir, j'aime bien en placer un ici ou là !

J'ai peur de perdre, à l'étape de l'encrage, toute l'énergie du storyboard. Pour éviter cela, j'imprime mon crayonné au format A4, puis je le repasse à l'encre en me servant d'une table lumineuse. Mais attention : ce n'est pas juste de la décalque, car cette étape de dessin m'oblige à aller chercher de nouvelles choses, en termes d'énergie !

Pour encore mieux connaître les auteurs de Lieutenant Bertillon, nous vous proposons de (re)découvrir cet épisode de Avec ou sans Bulles, tourné dans les locaux de la maison mère des éditions Dupuis, en Belgique.