Lucky Luke : une interview sous pression
Publié le 22/11/2024
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De la bière. Du syndicalisme. Des Dalton. C'est le cocktail explosif du nouveau Lucky Luke, "Un cowboy sous pression" ! Enivrés par l'histoire des premiers mouvements sociaux dans les grandes brasseries américaines, Jul et Achdé répondront-ils à nos questions ou invoqueront-ils leur droit à la grève ? L'interview complète du journal Spirou n°4520 du 27 novembre.
Lucky Luke est sous pression... à cause d'une histoire de bière ?
JUL : C'est une grande première pour Lucky Luke car, plutôt qu'une guerre indienne, il va devoir affronter la grande ville et ses usines ! Notre cow-boy va en effet débarquer à Milwaukee, capitale mondiale de la bière et ville ouvrière à grande majorité germanique. Les Beer Barons, grands patrons émigrés d'Allemagne, tiennent les brasseries d'une main de fer. Et les syndicalistes, qui ont décidé d'arrêter le travail – et donc de priver les saloons de bière –, sont eux aussi intraitables... Lucky Luke réussira-t-il à "enterrer la hache de grève" ?
L'immigration allemande aux États-Unis est un élément historique peu exploré...
JUL : Et pourtant, c'est une communauté incroyable, qui a énormément compté dans l'histoire de l'Ouest. À tel point que l'allemand a même failli être la langue officielle des États-Unis ! Les émigrés allemands sont à l'origine des plus grands symboles américains : le hamburger, le ketchup, le hot dog, le sapin de Noël... Dans Un cow-boy sous pression, on voit même apparaître le véritable grand-père de Donald Trump, tout frais arrivé de sa Bavière natale.
Pourquoi cette envie de vous intéresser au syndicalisme à l'époque du Far West ?
JUL : On a du mal à imaginer que les premières usines, ou encore le premier travail à la chaîne, étaient contemporaines de Lucky Luke ! Le Far West, que l'on associe aux grands espaces naturels, est finalement très lié au monde des villes... Un cow-boy sous pression est aussi une façon de dire que le monde des cow-boys, qui allait bientôt disparaître à l'époque de notre histoire, avait encore beaucoup de choses à apporter, même dans des vies apparemment "modernes". Le courage de Lucky Luke, ses talents de négociation, son art de la bagarre, on en aurait encore besoin, même aujourd'hui !
Le choix de la bière comme sujet de cette aventure reflète-t-elle votre consommation excessive d'alcool ?
ACHDÉ : La consommation de bière m'est recommandée par mon toubib, sachant que c'est un excellent diurétique (ça fait faire pipi !). Je suis donc son ordonnance scrupuleusement !
JUL : Au nom de mon droit de grève, je ne répondrai pas à cette question perfide.
ACHDÉ : Moi, j'aurais préféré un album sur les soufflés au Grand Marnier ou les esquimaux vanille plutôt que sur la bière. Dommage : Jul a refusé. Mais soyons sérieux : la grève sur laquelle nous appuyons cette histoire aurait pu se dérouler ailleurs que dans une brasserie, par exemple dans une usine à papier ou une scierie. Malgré l'omniprésence de la bière dans "Un cow-boy sous pression", il n'y a d'ailleurs qu'une seule case où des personnages sont vaguement éméchés (évidemment, il y a aussi Rantanplan, mais c'est un autre sujet...).
Les Dalton, déjà présents dans vos albums précédents, seront à nouveau de la fête.
JUL : Pendant les grèves, à l'époque du Far West, on mobilisait souvent les prisonniers des pénitenciers pour remplacer les ouvriers. L'arrivée des Dalton s'imposait donc dans Un cow-boy sous pression... Ils seront à l'origine de plein de catastrophes dans les brasseries et donneront à cette aventure de Lucky Luke un véritable côté La grande vadrouille !
Achdé, toi qui aimes dessiner la nature de l'Ouest sauvage, tu te retrouves à dessiner une ville et des usines... Tu n'as pas songé à te mettre en grève ?
ACHDÉ : Tout à fait. J'ai déposé deux préavis mais rien n'y fit. L'éditeur a tenu bon ! Je hais les villes mais pas mon éditeur ! Pour moi, Lucky Luke, ce sont les grands espaces, les cactus, les petits sapins et des saloons. Deux trois trains par-ci, par-là, une colline noire et une piste défoncée. Mais, là, un building ?! Des immeubles en briques ? Un pont métallique ?! Jul m'aura tout fait !
Il aurait pu faire pire. Par exemple, te faire dessiner les Dalton vus à travers les yeux d'un personnage ivre !
ACHDÉ : Déjà, dessiner 4 Dalton, c'est coton. Mais, là, ça en aurait fait 8, sans compter que Rantanplan les suit toujours, ce qui aurait donc fait deux chiens stupides à rajouter ! Plus sérieusement : dix personnages dans les yeux ?! Mon ophtalmologue me l'a formellement interdit !
Comment as-tu géré la documentation d'Un cow-boy sous pression ?
ACHDÉ : Jul m'avait donné pas mal de choses, mais il a tout de même fallu que je me décarcasse pour certaines cases, comme celle où on voit un plan de Milwaukee en 1885. Trouver les plans complets du building de Pabst (un Beer Baron que nous avons appelé "Martz" dans l'album) afin de le reconstituer de trois quarts en contre-plongée n'a pas été évident non plus. Ce fut le premier building de cette capitale de la bière. J'ai aussi retrouvé le livret des paroles originales des walkyries dans la scène de l'opéra, tout comme une vue des coulisses qui m'a bien servi pour la scène de l'attentat. J'ai aussi retrouvé des vieilles affiches allemandes et des slogans en teuton. Je croyais tout savoir après avoir dessiné CRS = Détresse avec l'ami Cauvin pendant 15 ans, mais les Germano-Américains m'ont surpris avec leurs affiches gothiques !
Si vous deviez vous mettre en grève, quelle serait votre principale revendication ?
ACHDE : Tout politicien rasoir doit être jetable !
JUL : Plus de Lucky Luke dans les écoles !
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