Sabbath Grand Derby : de Pins sort le grand jeu

Ce dernier Zombillénium est presque entièrement consacré à la partie de Sabbath Grand Derby. On imagine mal le travail de mise en scène que cela a dû représenter !

Je ne pensais pas que ça serait aussi dur de faire une BD avec du sport ! Je sais gérer des scènes d'action classiques. Mais le sport induit une gestion du temps différente... Quand une sorcière lance un sort, je suis par exemple tenté de montrer sa préparation, son lancement mais aussi ses effets. Ça prend de la place ! Et comme en plus les concurrentes sont en mouvement perpétuel, ça induit des cadrages, des perspectives et des focales parfois très complexes ! J'ai relu les séquences de Gunnm consacrées au jeu du Motorball afin de voir comment Yukito Kishiro, son auteur, s'en était sorti. Quel talent… J'ai modestement essayé de faire en sorte, comme lui, d'installer le lecteur au premier plan de la course. J'ai parfois utilisé pour cela, comme dans le manga, les « speedlines », ces traits induisant la vitesse.

Ces scènes de sport compliquées ont-elles changé ta manière de travailler ?

Oui. Pour les autres Zombillénium, je me contentais d'écrire une trame scénaristique globale, avant de réaliser les planches une à une, du storyboard à la page définitive. Cette gestion à flux tendu me permettait de rajouter des idées en cours de route, mais aussi de mieux gérer d'éventuels retards. Là, mon éditeur, Frédéric Niffle, m'a conseillé de faire tout le storyboard d'un coup. Il avait raison. Ainsi j'ai eu l'impression de vivre moi-même la partie de Sabbath Grand Derby, ce qui m'a, je l'espère, permis de mieux immerger le lecteur !

Pourquoi avoir fait se dérouler cette épreuve de Sabbath dans une arène devant le parc Zombillénium plutôt qu'à l'intérieur ?

Installer la compétition dans le Parc, avec le mouvement perpétuel des concurrentes, m'aurait obligé à dessiner les attractions sur toutes les cases, et dans des perspectives affolantes. Il m'aurait fallu 4 ans pour faire l'album ! J'ai donc opté pour un stade en forme de jeu de marelle, plus simple à maîtriser et plus cohérent avec les règles du jeu que j'avais inventé. J'ai essayé de faire en sorte que tout se tienne, dans le Sabbath Grand Derby. Mais créer un jeu est moins simple qu'il n'y paraît ! Je me suis rassuré en lisant une interview de Norman Jewison, réalisateur du film Rollerball (1975) où l'on trouvait également un jeu futuriste. Jewison y expliquait que, dans la vraie vie, son rollerball ne serait pas jouable. Mais que l'important c'était que l'univers emballe le spectateur, qui du coup n'avait pas le temps de se poser de questions sur les règles. Ça m'a libéré !